Des RH numériques ?
La mutation des métiers : les exemples du marketing et du recrutement
FaberNovel vient de publier une étude approfondie qui nous éclaire sur les conditions de l’éclatant succès des 4 grands leaders du numérique que sont Google, Amazon, Facebook et Apple. La fine compréhension de leurs modèles, de leurs partis-pris souvent à contre-pied des approches traditionnelles est riche d’enseignements pour les industries engagées dans la mutation vers le digital.
Cette étude très complète, « GAFAnomics, new economy, news rules », disponible sur slideshare et sur fabernovel.com pourrait constituer le livre de chevet de tout acteur du numérique. Parmi ses nombreuses conclusions, deux concernent directement les RH :
– l’aspect métiers et compétences du marketing digital : au-delà des développements liés aux réseaux sociaux, de l’édition de contenu, du e-commerce, de la recommandation etc, en quoi leur approche est-elle radicalement en rupture ?
– le recrutement : quels sont les attendus des profils numériques ? Sur quels critères les évaluer ?
Voici une synthèse des conclusions de cette étude sur ces sujets :
1/ Quel marketing pour des offres digitales ?
En première lecture, le marketing consiste à investir du temps et des ressources pour développer des produits ou des services, et surtout accroître leur valeur perçue afin de se différencier de ses concurrents. On gère des cibles, des segments de marché, des analyses concurrentielles, des avantages compétitifs, parfois des 4P, etc
Le jeu se complexifie compte-tenu de la faiblesse des barrières à l’entrée des marchés (dernier exemple, la messagerie Line se lance dans la réservation de taxi), des cycles de vie d’offre raccourcis, des clients toujours plus exigeants, des frontières de plus en plus ténues entre les produits et les services. Les clients souhaitent une expérience plus qu’un produit.
Pour planter le décor, les GAFA, eux, visent le monde, leur terrain de jeu est ses 7 milliards d’habitants ! Ils agissent globalement, sans considération culturelle ou géographique.
Comment ?
La seule source de la valeur à long terme et qui mérite des moyens, ce sont les clients. Les GAFA sont obsédés par leurs clients, et non par leurs concurrents.
Cependant la notion même de client est réinventée : un client peut être « gratuit ». Le propos est de délivrer la meilleure expérience et de capter l’attention, qu’il y ait ou non transaction. La relation initiale délivre un premier niveau de service gratuit (adresse mail, environnement personnalisé, etc) créée de l’attention, développe l’implication (conseils personnalisés,..) puis se transforme en revenu.
La base de clients est la seule clé, qui, grâce à la technologie, s’adresse de façon illimitée et individualisée. Chaque décision est prise à l’aune de cet objectif.
Ensuite, la valeur délivrée. La vocation de ces géants est de faire gagner du temps et de faciliter le quotidien de tous leurs clients . Maximiser l’utilité, réduire les frictions et ainsi se rapprocher de l’acte d’achat, qu’il s’agisse de communiquer, se divertir, se déplacer, travailler, apprendre, etc
Au fond, le temps est un actif universel et en gagner grâce à un service numérique est une proposition très forte. Cela implique une approche radicale : il ne s’agit pas d’améliorer la vie des clients, mais de la changer !
Un autre postulat est de s’affranchir de la dictature du court terme que connaissent les entreprises cotées en bourse. Jeff Bezos, le patron d’Amazon, le dit très explicitement : innover nécessite une volonté de long terme, au risque d’être incompris.
Prendre le temps de déployer des services, remettre continuellement les offres en question, en tester la désirabilité et l’utilité, viser une expérience client la plus aboutie est le chemin pour se construire des revenus.
Cette gestion du temps et des rythmes, rapides d’un côté et longs de l’autre, est un des grands enseignements des GAFA.
Les métiers du marketing se rapprochent fortement de ceux du design d’expérience, l’autre fonction centrale des métiers numériques. L’étude de Fabernovel recoupe précisément les partis pris de la Web school factory (cf interview d’Anne Lalou).
In fine, le marketing produit disparaît. L’enjeu est de gérer des clients et des relations, une expérience et non un portefeuille de produits. Un client est considéré dans sa globalité, et non comme le prospect d’un produit au risque de générer de nombreuses sollicitations dans une grande confusion.
Dernier point, la diversification de l’offre est déterminée là encore par les attentes des clients, même les plus marginales, quitte à se doter de nouveaux savoir-faire pour les adresser.
Cette extension d’offre porte principalement sur 2 axes : la maîtrise de l’infrastructure logicielle : offrir une solution intégrée comprenant système d’exploitation / site / navigateur / offre cloud / paiement d’une part, et d’autre part la couverture des usages quotidiens: communication, divertissement, achat, règlement, déplacement, santé, etc
La résultante ultime demeurant la meilleure expérience numérique possible. D’ailleurs, forts de ces préceptes, les GAFA captent 55% du temps passé sur le web. D’où de nouveaux indicateurs pour mesurer qui capture le temps des internautes temps, lors de leurs parcours, à l’aune d’une expérience complète et non d’une prestation.
Les GAFA ont en commun ces quelques lignes de fond d’un marketing digital. L’organisation autour de la relation avec les clients, et non des produits, le test permanent, la graduation des services délivrés, la compréhension des clients dans leur globalité, tout change, tant en termes de profils des marketeurs qui déploient ces démarches – quel parcours ? comment les identifier les bons profils ?- que de culture d’entreprise.
2/ Comment identifier les profils adaptés à ce contexte ?
Il n’y a pas de recette miracle, et c’est ici que la transmission à toute l’économie des caractéristiques de l’industrie du logiciel s’arrête. En d’autres termes, identifier la liste des nombreux attendus et rechercher la candidature répondant à un maximum d’entre eux est inopérant. On ne recrute pas comme on achète un logiciel !
Le message de fond est plutôt de recruter des compétences, techniques ou comportementales, mais pas une expertise. Pourquoi ? Les RH de Google considèrent que les experts auront tendance à apporter des réponses éprouvées, qu’ils auront vues à de nombreuses reprises. En revanche, un non expert sera amené à se tromper, mais pourra apporter des solutions totalement nouvelles. Et c’est ainsi qu’on innove ! Ce type de configuration est extrêmement fécond.
Pour Google, les critères clé de recrutement sont, par ordre décroissant :
- La capacité à apprendre, le potentiel de leadership, le sens de la responsabilité et l’humilité. Mais chacun de ces termes est à considérer sous un angle un peu particulier.
- La capacité à apprendre, la curiosité, renvoient également à la capacité à rassembler des informations très disparates, à réunir des informations apparemment divergentes et à en tirer des conclusions. Le leadership, ce n’est pas le nombre d’instances dirigées : c’est cette capacité à prendre la main lors d’une situation nouvelle tout en sachant s’effacer lorsque les circonstances s’y prêtent.
- L’humilité, c’est prendre en compte l’avis d’autrui. Sans humilité, il est impossible d’apprendre. Des profils n’ayant connu que le succès, n’apprennent par définition pas grand-chose de leurs échecs ! Le plus difficile étant de savoir abandonner ses convictions les plus âprement défendues lorsqu’un fait nouveau vient les invalider, et savoir changer d’avis.
Nouvelle économie, nouvelles règles : les RH ont une véritable dynamique d’apprentissage devant eux !
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