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Le recrutement au coeur du conflit des temps ?

Les développements d’outils sophistiqués dédiés au recrutement mettent en lumière une problématique centrale du monde numérique : les conflits de temporalité.

De quoi s’agit-il ?

La recherche permanente de productivité, dans toutes les activités de l’entreprise, donne lieu à une chasse aux temps morts et à l’automatisation de toutes les tâches qui s’y prêtent.

Cela touche le recrutement, activité par nature constituée de temps passé à rencontrer et évaluer des candidats.

Dans un premier temps, pour l’employeur comme pour le candidat, les temps morts sont nombreux : celui que prendra le candidat à répondre, les calages pour arriver à se rencontrer, etc. Ces temps « logistiques » peuvent néanmoins se gérer assez facilement avec des workflows performants.

Se pose alors la question de comment poursuivre cette optimisation de temps du recruteur et du candidat.

C’est là que de nouveaux dispositifs, souvent numériques, font leur apparition en proposant au candidat soit de répondre à un questionnaire et d’éditer automatiquement un CV standardisé, soit de répondre en vidéo sur son propre ordinateur (et demain son mobile) à des questions définies à l’avance, le tout étant envoyé au recruteur, etc
Et, gardant le meilleur pour la fin, comment ne pas mentionner les algorithmes de rapprochement profil/poste, certains affichant un indice d’affinité entre les deux ?

Bref, beaucoup de démarches, souvent importées des US, affichent une espérance de gain de productivité sur le cœur même de l’activité : le sourcing et l’évaluation.

Le recruteur se voit donc promettre une amélioration de son activité par un gain significatif (record ?) de temps. Le tout sans avoir dialogué et encore moins rencontré quiconque, mais en ayant, en gros, rationalisé un processus d’identification des compétences.

Mais le temps de la technique n’est pas celui des recruteurs. Evaluer une motivation, un ensemble de compétences souvent diversifiées, l’adéquation avec une culture d’entreprise est une démarche complexe, cœur de savoir-faire d’un recruteur. Elle prend du temps, même en étant éclairée par des outils (tests par exemple) venant en appui.

D’où les débats entre les approches « classiques » et « modernes », que l’on retrouve dans mille autres activités humaines. Au delà des biens fondés et des limites de ce type d’approches, ce débat, appliqué au recrutement, met en lumière deux caractéristiques du monde numérique dans lequel nous entrons.

Le premier est la difficile réconciliation entre les temps :
– de la technologie, des process, très rapides. Etre ami avec quelqu’un sur un réseau social est instantané.
– de la connaissance, de l’investigation, de l’acquisition d’expérience, voire du « désapprentissage » de certaines pratiques.

Quelle que soit notre vivacité, on est ici dans des temps humains d’appropriation ou d’évaluation plus longs.

La technique ne peut pas nous affranchir de ces temps longs, dont les RH doivent être les gardiens. La réconciliation à réaliser entre les temps techniques, rapides, et temps humains plus longs est une des responsabilités des RH.

Le second est le risque de déshumanisation que nous fait courir le déploiement d’outils, souvent performants mais froids pour le candidat comme pour le recruteur. Le bénéfice escompté d’une économie du temps du recruteur est contrebalancé par l’anonymat, l’impression d’être en contact avec un logiciel et non avec une personne, même si in fine un recruteur intervient. Mais pas dans une relation incarnée.

Maintenir le lien et la vitalité des acteurs de l’entreprise dans une démarche d’optimisation économique est une autre grande mission des RH, que l’on soit dans une économie numérique ou non.

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