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Regard sur l’international : le marché Suisse :

Notre panorama des pratiques de recrutement s’étend à l’international, en s’efforçant de décrire les pratiques, les acteurs, les éléments culturels, autant d’éléments qui structurent l’activité.
Notre première étape va nous amener dans un pays proche, mais tellement éloigné à la fois … Il suffit parfois de s’éloigner de quelques kilomètres de la frontière française pour se voir remettre en cause complètement.

Et ce choc, nous l’avons rencontré en Suisse.

Commençons par les « a priori » : banques, montres, fondue et chocolat. Si nous en restions là, rien de bien bouleversant. Mais allons un peu plus loin dans la découverte de ce marché décidément très surprenant. Voici quelques faits :

Il n’y a pas de salaire minimum national en Suisse. Mais seulement des salaires fixés dans certaines Conventions Collectives de Travail. Dans l’acception française, pas de salaire minimum veut automatiquement dire exploitation et bas salaires … Et pourtant la Suisse propose parmi les salaires les plus élevés en Europe (salaire moyen mensuel 2010 5979 CHF) ….

Le droit du travail suisse reste très léger. Il n’y a que très peu de règles, et les entreprises peuvent décider de beaucoup de choses. Le droit suisse est également très léger en matière de licenciement. Encore une fois, l’esprit français voudrait que peu de droit soit synonyme d’abus, de délocalisation ou de chômage. Le taux de chômage suisse est de 3.3%. Le taux de chômage des jeunes est de 3.6%. c’est dans le Canton de Neuchâtel que le taux de chômage est le plus élevé, avec 5.4% …. Et 7 des 26 Cantons suisses ont un taux en dessous de 2%…

Mais nos surprises ne sont pas terminées. Alors qu’en France, le débat sur l’harmonisation fiscale européenne fait rage, il faut noter qu’en Suisse, chaque Canton détermine sa politique fiscale. Donc, pour payer plus ou moins d’impôts, il suffit de …. Rester dans le même pays mais changer de Canton (ce qui parfois représente un écart de quelques kilomètres). Cette liberté de choix s’applique aussi aux entreprises.

Pour finir sur quelques données économiques, la Suisse a le 4ème PIB mondial après le Qatar, la Norvège et le Luxembourg. Elle a un taux d’endettement de 36% du PIB (contre 84% pour la France, et 88.4% pour la Zone Euro). Et le taux d’endettement de la Confédération est en baisse régulière ….

Nous pourrions encore citer de nombreux exemples. Mais nous terminerons par un qui marquera les esprits :

Les suisses ont refusés par référendum en 2002 la baisse du temps de travail à 36heures. Et en 2012, ils ont refusés par le même mode – et à une majorité de 70% – l’attribution d’une 6ème semaine de congés payés.

Ce rapide survol permet donc de voir que proximité ne rime pas forcément avec similitude. La Suisse est donc un marché dynamique, original, mais qu’il faut bien appréhender. La Suisse attire à la fois de nombreuses entreprises internationales (pour des raisons à la fois fiscales, mais aussi – voire autant – économiques et sociales) et beaucoup de grandes institutions (ONU, BIT, OIT, OMC, UNHCR, ONUSIDA, OPI….), et ceci pour des raisons politiques.

Son organisation en Canton lui permet une dynamique rarement vue en Europe. Et le système politique centré sur la démocratie directe reste unique au monde, et favorise le consensus et la discussion. Il permet de garder unifié un pays disposant de quatre langues officielles, de 26 cantons et d’autant de systèmes fiscaux ou éducatifs.

Nous avons fait volontairement le choix de nous intéresser aux cantons francophones. Mais la première erreur serait de croire que la proximité de langage soit un facteur « facilitant » pour le recrutement. La réalité est bien plus complexe.

Comment décrire de façon synthétique le marché du travail en Suisse, et particulièrement dans l’arc Lémanique ?

La Suisse – et les Cantons lémaniques également – fait beaucoup pour attirer des sièges sociaux de grandes entreprises internationales sur son territoire. Pour résumer, l’objectif est d’attirer des activités à forte valeur ajoutée et forts salaires, dont l’implantation « booste » l’activité économique. Nous pouvons classer rapidement ces entreprises en 5 catégories :

– Les organisations internationales, qui disposent de règles très particulières en matière de recrutement
– Les sièges d’entreprises internationales – y compris des entreprises d’origine suisse (HQ Mondiaux, ou régionaux – Europe, EMEA)
– Les grandes entreprises suisses, moins connues sur la scène mondiale
– Les start up
– Les PME et entreprises locales suisses.

L’arc Lémanique n’est pas en reste, et accueille des entreprises de chacune de ces catégories. Il attire notamment de nombreuses entreprises de la santé (depuis la start up jusqu’à l’entreprise de dimension internationale), axe qui a fait l’objet de forts investissements de la part des autorités locales. Mais encore une fois, il est important de garder à l’esprit que l’objectif reste avant tout l’attrait d’entreprises présentant actuellement un potentiel de croissance important, et des salariés très qualifiés.

Quelles sont les spécificités culturelles en matière de recrutement ?

La Suisse a une culture forte. Elle y tient et à raison d’y tenir. L’intégration est un des aspects forts de ce pays. Pour s’en convaincre : Genève à environ 195 000 habitants, dont seulement 100 000 sont de nationalité suisse. Il n’y a pas d’autres grandes villes européennes qui puisse présenter de tels chiffres. Près de 20%des salariés de Genève vivent en « France voisine » et sont donc considérés comme des frontaliers. Mais les règles sont claires :

– L’intégration passe par un respect des règles et de la culture. L’erreur absolue est de considérer qu’un territoire qui parle français est la France. De même que la Suisse alémanique n’est pas allemande, ou le Tessin n’est pas italien …
– La Suisse cherche et valorise les salariés qui amènent de vraies compétences. Le recrutement est donc exigeant. Les candidats nombreux …
– L’Arc lémanique est international. La maîtrise réelle de l’anglais est indispensable. Une autre langue (le français, l’allemand ou l’italien) est un plus.
– Le travail est une dimension culturellement importante. Pour s’intégrer dans les entreprises basées en Suisse – et y rester – il faut que chaque candidat garde bien ce point à l’esprit.

Quelles sont les particularités du droit social ?

Nous l’avons vu précédemment. Le droit social existe, reste très pragmatique et est très éloigné des pays comme la France, l’Allemagne ou l’Italie. La Suisse est un pays de consensus, y compris dans les relations sociales. Le droit de grève est constitutionnel, de même que le lock-out est autorisé. Les deux sont encadrés par des règles précises. Cependant, le conflit social n’existe quasiment pas, notamment parce que le dialogue social est fondamental. Et parce que la Suisse propose des conditions de travail que peu de pays européens peuvent seulement imaginer …
La Suisse est aussi considérée comme un pays « business friendly »comme l’évoquent les anglo-saxons. C’est un pays qui –compte tenu de son quasi plein emploi – favorise une forte mobilité, et une forte flexibilité. Mais les salariés bénéficient autant de ce contexte que les entreprises.
Et finalement, le faible taux de chômage reste un facteur puissant, qui rassure sur la pertinence du modèle social, et attire des candidats du monde entier.

Quelles sont les « pistes » pour entrer sur le marché du travail suisse ?

Pour travailler en Suisse il faut un permis de travail. Il est plus facile de l’obtenir pour des candidats européens issus d’Etat ayant des accords bilatéraux avec la Suisse (notamment les 15 pays européens « historiques »)

Pour tous les autres, les critères d’obtention intégrent notamment le besoin de démontrer que la compétence recherchée n’est pas déjà présente sur le marché Suisse. Et requiert des diplômes supérieurs. Et les conditions se sont durcies au cours de ces dernières années.

Compte tenu du dynamisme de son marché de l’emploi, le recrutement se fait via l’ensemble des sources connues, depuis les cabinets de chasseurs de têtes internationaux ou locaux, jusqu’aux agences de placement locales. L’usage d’Internet est bien sûr aussi très fort.

Il est important de savoir que le marché suisse reste très cloisonné. Ilexiste une frontière claire entre la Suisse Romande et la Suisse Alémanique. Les agences, les recruteurs, les sites internet sont très différents d’une zone à une autre.

Donc postuler à Bâle (Suisse Alémanique) ou à Genève (Suisse Romande) requiert de mener des démarches séparées.

Mais comme partout, le réseau est important. Mais il ne faut surtout pas oublier que sur le marché de l’emploi suisse, la concurrence est locale, européenne et mondiale. Compte tenu de sa structure, les recruteurs cherchent les meilleurs candidats, sans aucune limite de frontière. Le marché suisse est donc particulièrement exigeant.

Quelles sont les clés de la réussite pour travailler en Suisse ?

Travailler en Suisse passe d’abord – et avant tout – par une adhésion aux valeurs qui font le charme et la puissance du pays. Un candidat doit pouvoir s’intégrer aussi bien dans la culture de l’entreprise que dans la culture locale. Sans quoi, il échouera rapidement. Si vous êtes tentés par une expérience en Suisse, oubliez certains réflexes qui « marquent » trop souvent les français. Le travail est une vraie valeur en Suisse. Et ceci se traduit dans l’implication quotidienne, mais aussi par une adhésion avec les valeurs véhiculées par l’entreprise. Par exemple : le débat français sur « patrons contre salariés» doit être oublié. La Suisse a une culture du consensus qui rejette le conflit, et se base sur le dialogue.

Quelles sont les qualités recherchées ?

La culture suisse est empreinte de calvinisme. Ceci veut dire modestie et recul. La Suisse est en partie un pays francophone. Cela ne veut pas dire que c’est la France. Une « école de commerce » française n’a rien à voir avec une école de commerce en Suisse. Etre bilingue sur un CV français veut trop souvent dire « parler un peu anglais ».

A Genève cela veut dire être aussi efficace professionnellement dans sa langue maternelle qu’en anglais…

L’équité, la fiabilité, le pragmatisme, le sens de la qualité, la stabilité, ou le sens du bien commun sont des valeurs mises en avant dans le monde de l’entreprise. Il est donc important de montrer au travers de vos réalisations, que vous comprenez, mais aussi que vous avez d’ores et déjà intégré ces dimensions dans votre vie professionnelle.

Comment sont recrutés les talents ?

La Suisse « ne connaît pas la crise ». Le pays est donc à la recherche de talents. Non pas qu’elle n’en a pas – bien au contraire – mais elle n’en a pas assez. Cette recherche est pragmatique et dictée par les valeurs évoquées précédemment, et par une vraie recherche de l’excellence. Lors d’un processus de recrutement, il faut donc accepter d’être mis en concurrence avec des candidats venant de tous les horizons. Trop souvent les candidats hexagonaux ne sont pas conscients de cette dimension. La clé du succès passe par un repositionnement complet de l’état d’esprit.

Et enfin, comment postuler ?

Postuler dans une entreprise suisse, c’est :
– prouver – c’est-à-dire avoir des exemples réels – une excellence dans des compétences recherchées (marketing, vente, hightech),
– comprendre la concurrence globale.
– avoir une démarche professionnelle, sérieuse et humble.

A partir de là, il faudra – comme souvent – activer votre réseau, et trouver des acteurs locaux qui pourront vous guider dans cette recherche

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